12/09/2015

Rencontre avec la nature

Rencontre avec la nature
                 

J’étais pieds  nus, assis dans l’herbe grasse, sur un versant dégagé de la montagne slovène quelques part au sud-est de Ljubljana. Alignés sur plusieurs strates, se succédaient au loin devant moi vallées et sommets majestueux recouverts de forêts. Enveloppé d’une légère brume, comme un voile sur la montagne, le vert intense des forêts primaires se dégradait à mesure que le soleil déclinait dans mon dos, faisant du ciel de l’ouest un champ incandescent aux milles couleurs rougeoyantes. Lorsque mon regard n’était pas aspiré par l’immensité puissante de cet horizon dentelé qui s’étendait devant moi c’était pour se promener sur les lignes d’encre d’un recueil de nouvelles de Maupassant que je tenais du bout des doigts.
 

Je me levais timidement et marchais avec lenteur. Mon livre dans la poche, je sentais l’herbe froide sous mes pieds nus me chatouiller les mollets. Du haut de la petite colline, dans le contre bas d’une clairière en pente, j’aperçu quatre biches à la lisière de la forêt. D’un mouvement harmonieusement synchronisé, les quatre cervidés levèrent la tête et se retournèrent vers moi. Je m’immobilisai. Trois d’entre elles prirent peur et s’enfuirent. Je me retrouvai alors en tête à tête avec la dernière, moins farouche. Nous nous fixâmes un moment. Elle s’habituait à moi comme je m’habituais à elle. Je sentais les battements de mon cœur ralentir, nous étions les seuls êtres au monde. Alors que la biche se penchait vers l’herbe savoureuse, je fis un pas de coté pour venir m’assoir sur une pierre chaude. L’animal releva la tête et me fixa de nouveau. Malgré la distance qui nous séparait je parvins à distinguer dans ses yeux le reflet du couché du soleil. Je me sentais comme pénétré part ce regard saisissant. J’avais également cette sensation d’entrer en elle, que nos esprits étaient connectés, liés par un lien fort que rien de pouvait détruire. Bientôt, ce fut l’éclat de la lune, particulièrement lumineuse ce soir là, qui vint apparaitre dans ces grands yeux noirs.

La fraicheur de cette soirée de mois d’août commençait à me transpercer, pourtant, je continuais de fixer cette seule biche restée pour mon plus grand plaisir solitaire, s’offrant entièrement à moi jusqu’aux premières étoiles.

Et alors que les derniers rayons du soleil s’efforçaient de franchir les épais obstacles sylvains, un faon, âgé tout juste de quelques semaines, apparut et rejoignit ce qui semblait être sa mère. Peinant  à poser ses frêles pattes flageolantes l’une devant l’autre, son doux regard innocent et curieux vint à la rencontre du mien, m’inondant d’une sensation extraordinaire.

Et, comme un mirage, après un dernier regard solennel, les deux êtres surnaturels disparurent dans les bois, me laissant de nouveau seul avec le froid et ce silence effrayant, n’ayant pour me réchauffer et me rassurer, que cette sensation d’avoir été, au moins le temps d’un instant magique, l’homme le plus privilégié de ce monde.

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