12/10/2015

Vu de son trottoir

Vu de son trottoir          

Vu de son trottoir, il voit des bâtiments haussmanniens. Vu de son trottoir, il voit la Tour Eiffel et l’Arc de triomphe. Vu de son trottoir, il voit des millions de touristes et une file interminable au supermarché. Vu de son trottoir, il voit les lumières de la ville. Vu de son trottoir, il voit des panneaux publicitaires et des enseignes éclairées. Vu de son trottoir, il voit des chaussures toute la journée. Vu de son trottoir, il voit des vigiles asservis garder les remparts de Louis Vuitton et de Chanel. Vu de son trottoir, il voit des hommes pressés, des femmes en talons et des enfants apeurés. Vu de son trottoir, il voit des regards accusateurs et dégradants. Vu de son trottoir, il voit surtout beaucoup de mépris et aucune compassion. Vu de son trottoir, il voit Paris la nuit et Paris sous la pluie. Vu de son trottoir, il voit la pollution emplir le ciel de la ville et noircir les eaux du caniveau. Vu de son trottoir, il voit des mégots par millier et des sacs Macdo. Vu de son trottoir, il voit des bouts de verre et des flaques de pisse. Vu de son trottoir, il voit de la chaleur à travers les fenêtres et de bons repas chauds. Vu de son trottoir, il voit Paris à minuit et le Paris coté pile. Vu de son trottoir, il voit des selfies à Montmartre et du vomi à Bastille. Vu de son trottoir, il voit un ami sur un carton et le carton de ses amis. Vu de son trottoir, il voit des larmes couler sur ses pieds nus. Vu de son trottoir, il voit trois pièces dans un gobelet. Vu de son trottoir, il voit un duvet dans une flaque. Vu de son trottoir, il voit une vie brisée. Vu de son trottoir, il voit ses enfants grandir loin de lui. Vu de son trottoir, il voit surtout une société qui s’en fout de lui, une société qui se fout de lui. Vu de son trottoir, il voit une hypocrisie grandissante. Vu de son trottoir, il voit un monde qui va trop vite. Vu de son trottoir, il voit la tristesse et la face cachée d’un monde de plus en plus consommateur. Vu de son trottoir, il voit surtout un monde qui se consume. Il est un sans abri à Paris et il voit notre monde qui va mal, il voit notre monde en danger. Il est notre monde qui va mal, mais il n’est pas le danger de notre monde.

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