Australie.
Nord-est du Queensland, en pleine rain
forest. Elles sont là, au bout de la marche : les cascades, les
chutes, les Baron Falls ! Nous
venons de descendre, grimper, puis redescendre les escaliers et les passerelles
humides et glissantes pour y arriver. Du look
out, je sens les embruns millénaires se déposer sur mon visage. Nous ne
nous attardons pas trop longtemps à contempler les chutes. Nous avons d’autres projets,
d’autres sensations fortes au programme ; nous voulons gouter l’eau, s’imprégner
un peu plus de ce fabuleux lieu. Ce ne sont pas les plus belles chutes de la
région, loin de là, mais elles offrent bien d’autres choses, un tout autre
spectacle.
La
réelle aventure commence où le tourisme s’arrête. Des barrières et un panneau
interdisent l’accès aux rails du train, d’aller plus loin sous peine d’une
amande de 3000$AUS. Pourtant, nous contournons les barrières et marchons les
longs des rails. Le train touristique vous fait faire le tour du cirque pour
admirer les chutes d’endroits inaccessibles à pieds. Mais il ne vous montre pas
le meilleur endroit… Il vient juste de passer et nous avons quelques minutes
devant nous. 300 mètres de marche et nous coupons à droite pour pénétrer dans
la forêt. La pente est rude et le sol glissant. Heureusement, le sentier tracer
par les connaisseurs nous permet de savoir exactement à quelle branche s’agripper,
sur quel arbre s’appuyer.
Au
bout de la descente, après une bonne dizaine de glissades et deux ou trois
frayeurs ; nous y voila. Nous y sommes. Nous ne voyons plus les chutes,
nous sommes dans les chutes. Devant nous, un trou d’eau dans lequel se déverse
un torrent qui lui-même rejoint le reste du débit pour former les immenses Baron Falls qu’admirent tous les
touristes, petits points appareils photo en main que nous apercevons tout là
bas.
Un
genre de plateau rocheux. A sec en ce moment. Sous d’énormes vagues assourdissantes
pendant la saison des pluies. Je dépose mon sac et m’approche du bord. Quatre,
peut-être cinq, mètres plus bas ; les eaux noires. Mais ce n’est pas le
meilleur endroit pour effectuer le grand saut. Nous marchons le long des
escarpements, escaladant les roches coupantes. J’abandonne mes tongs. Je
préfère continuer à pieds pour ne pas glisser sur le sol humide, car une chute
dans les chutes et c’est la mort assurée. Avec quelques centaines de
spectateurs en prime. Nous voilà descendu dans un autre trou d’eau. Le courant
n’est pas très fort ici mais le bruit est
impressionnant. Nous nageons et constatons qu’il n’y a pas de rochers
sous la surface. Parfait pour se faire peur. Nous remontons sur l’autre paroi. La
moitié du groupe est restée de l’autre coté pour prendre des photos. Nous nous
faisons face. Seulement quinze mètres nous séparent. Mais entre nous se dresse
un trou béant. Je n’ose pas imaginer la profondeur de la fosse. « Heureusement »
la surface de l’eau est à environs huit bons mètres de nous. Les eaux en
mouvement sont noires, complètement dans l’ombre de la roche. C’en est presque
effrayant. Si en fait c’est carrément effrayant.
C’est
le moment. Nous sommes venus jusque là pour ça. Pour le grand saut. Pour se
faire peur et se mettre au défi. Un peu parce qu’on se prend pour des
aventuriers, mais surtout beaucoup parce que nous sommes très cons. Tout d’un
coup je n’ais plus du tout envie de sauter. Je sens mes jambes faiblir sous mon
poids, mes muscles se ramollir et les battements de mon cœur s’accélérer. Mais
nous n’avons pas fait tout ce chemin pour se dégonfler au moment de pousser sur
les jambes.
Je
patiente et fait monter la pression en moi. Peut être aussi pour profiter de
cet instant. Cet instant où l’on se sent fort, prêt à défier la nature indomptable
et se prouver que l’on est bien vivant en risquant sa vie. Bêtement.
Je
prends une grande inspiration. Mes poumons se remplissent. Je pousse sur mes
jambes et sens la roche se dérober sous mes pieds nus. Ça y est, je suis en
suspension dans les airs, en suspension dans le temps. Les secondes, les
millisecondes, paraissent durer une éternité. Je suis léger comme rien et ne
sens plus aucune force en moi. Jusqu’à ce que la gravité me rattrape et fasse
remonter tous mes boyaux quasiment dans ma gorge. La peau de mon visage s’étire
et ma respiration se bloque. L’impacte. Trois longue et à la fois trop courtes
secondes après avoir quitté terre je m’apprête à la retrouver avec violence.
Mes muscles se raidissent et soudain… Le choc. Mes jambes frappent les
premières les eaux froides et tumultueuses des Baron Falls. Puis me bras et enfin je ressens les flots se refermer
sur moi.
Silence. Obscurité. Je suis prisonnier des eaux sombres et je repenses à ma chute libre, à cet instant de liberté. Difficile de se lancer de cette hauteur dans des eaux en mouvement dont on ne perçoit rien à plus de vingt centimètres de profondeur. Mais quel bonheur et quelle adrénaline !
Silence. Obscurité. Je suis prisonnier des eaux sombres et je repenses à ma chute libre, à cet instant de liberté. Difficile de se lancer de cette hauteur dans des eaux en mouvement dont on ne perçoit rien à plus de vingt centimètres de profondeur. Mais quel bonheur et quelle adrénaline !
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